Une colère rarement vue dans le Cher. Le lundi 24 novembre, des dizaines puis des centaines d’agriculteurs sont attendus au péage de Vierzon Nord, sur l’A20, pour une action de blocage. Pour la première fois, les trois principaux syndicats agricoles du département — Coordination Rurale 18, FNSEA 18 et Jeunes Agriculteurs du Cher — unissent leurs forces dans une intersyndicale inédite.
Une union qui reflète l’ampleur d’un malaise profond : éleveurs, céréaliers, viticulteurs, jeunes installés ou exploitants proches de la retraite… tous dénoncent une crise économique, sanitaire et réglementaire d’une gravité sans précédent.
Des exploitations exsangues après trois années de déficit
Le communiqué détaille une situation économique critique : depuis trois ans, les fermes du Cher cumulent les pertes. En 2025, certaines puisent désormais dans leur capital, d’autres s’endettent pour pouvoir simplement continuer à produire.
Les productions ont été frappées de plein fouet :
-
Grandes cultures : semis impossibles, faibles rendements, sécheresse estivale.
-
Élevage : fourrages de mauvaise qualité, pâtures impraticables, achats massifs de paille.
-
Viticulture : maladies cryptogamiques et volumes en baisse.
À cela s’ajoute une flambée des coûts : +30 % sur certains engrais, +25 % sur l’alimentation animale, +20 % sur les énergies, sans compter l’envol du prix du matériel agricole.
Crises sanitaires à répétition et cheptels fragilisés
Les éleveurs du département subissent également la longue série d’épidémies — FCO3, FCO8, MHE — qui affaiblissent les troupeaux. Les abattages préventifs, les pertes d’animaux et les restrictions sanitaires pèsent lourdement.
La crainte d’une arrivée de la Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC) et les premiers cas de grippe aviaire dans le centre du Cher alimentent l’inquiétude.
Un climat réglementaire jugé « asphyxiant »
Les syndicats dénoncent également un environnement administratif instable : règles PAC changeantes, lourdeurs bureaucratiques, études HMUC jugées bloquantes, et une baisse annoncée de 20 % des aides PAC d’ici 2027.
Malgré les récentes déclarations du président de la République sur la taxation du carbone ou l’accord du Mercosur, les agriculteurs disent ne plus croire aux « effets d’annonce ».
Ils réclament des preuves, pas des promesses.
Quatre priorités affichées : “des actes, pas des paroles”
L’intersyndicale formule quatre demandes centrales :
1. Un revenu décent
Application stricte de la loi EGalim, prix rémunérateurs basés sur les coûts réels, lutte contre les importations à bas prix issues de pays aux normes moins strictes.
2. Une charte d’engagement de tous les acteurs ruraux
Banques, coopératives, assurances, collectivités : les syndicats appellent chacun à prendre sa part pour sauver l’économie agricole locale.
3. Fin des entraves à la liberté d’entreprendre
Simplification administrative, suppression des distorsions de concurrence au sein de l’Europe et à l’international.
4. Une PAC juste et cohérente
Refus de la baisse de 20 %, suppression de la dégressivité des aides, et sanctuarisation du budget agricole pour 2028-2034.
Une action appelée à durer
La mobilisation commencera le 24 novembre à midi au péage de Vierzon Nord (A20) avec un blocage des entrées de l’autoroute. Plusieurs départs en convoi sont prévus depuis Bourges, Henrichemont, Mehun-sur-Yèvre, La Chapelle-d’Angillon et Saint-Hilaire-de-Court.
Les syndicats préviennent :
« Le 24 novembre ne sera pas une fin, mais un début. Nous resterons sur place tant que des actions concrètes ne seront pas prises. »
Un mouvement que les agriculteurs du Cher espèrent voir devenir national, face à une crise qui, selon eux, dépasse largement les frontières de leurs exploitations.
